Historique de création

Le concept « conseil des chargeurs » peut être défini comme étant une organisation professionnelle regroupant les importateurs et exportateurs, c’est-à-dire, les utilisateurs des services des transports internationaux. Elle a pour objectif de permettre aux chargeurs de constituer un pouvoir de négociation aux fins d’obtenir à moindre coût les services de transports suffisants et efficaces.



L’apparition des conseils des chargeurs a été suscitée en réaction aux pratiques qui prévalaient dans le trafic de ligne régulière. En effet pendant longtemps, le commerce maritime était dominé par les armements réunis en pool, appelés couramment « conférences maritimes » qui fixaient de manière unilatérale les taux de fret et organisaient le marché de transport à leur guise. C’est dans un tel contexte que les premiers conseils des chargeurs sont nés. En Europe, ils apparaissent dans la première moitié du 20ème siècle, précisément en 1955 en Grande Bretagne sur initiative des chargeurs eux-mêmes.

Dans les Pays du Tiers monde, la création des conseils des chargeurs découle des recommandations de la CNUCED, lors de sa deuxième conférence en 1968 à NEW-DELHI, en Inde.

En 1972, c’est lors des travaux de sa 27ème session que l’Assemblée Générale des Nations Unies décida de convoquer sous les auspices de la CNUCED une Conférence des plénipotentiaires, afin d’adopter une convention ou un autre instrument multilatéral ayant force obligatoire, relatif à un code de conduite des conférences maritimes.

C’est ainsi qu’en 1974, la Convention des Nations Unies relative à un code de conduite des conférences maritimes fut adopté et entra en vigueur en 1983. Cette convention, eu égard à ses objectifs et principes, va révolutionner le monde des transports maritimes entre les pays riches et les pays pauvres.

ll s’agit entre autres :
  • De faciliter l’expansion ordonnée du trafic mondial ;
  • De stimuler le développement des services maritimes réguliers et efficaces, adaptés aux besoins du trafic ;
  • De l’adoption du principe selon lequel le trafic entre deux pays doit être réparti sur la base de la clé de répartition 40/40/20 ;
  • Du principe selon lequel les pratiques des conférences maritimes ne devraient entrainer aucune discrimination à l’encontre des armateurs, des chargeurs ou du commerce d’aucun pays ;
  • Du principe selon lequel les conférences doivent avoir des consultations sérieuses avec les organisations des chargeurs, les représentants des chargeurs et les chargeurs sur les questions d’intérêt commun, avec la participation ou sur demande, des autorités compétentes. En outre, le code de conduite des conférences maritimes réglementa :
  • Les relations entre chargeurs et armateurs à travers les échanges d’informations et les conditions de consultation ;
  • Les relations entre les compagnies maritimes et les conférences maritimes en particulier, les règles de participation des compagnies nationales à leurs trafics.
  • Du principe selon lequel les pratiques des conférences maritimes ne devraient entrainer aucune discrimination à l’encontre des armateurs, des chargeurs ou du commerce d’aucun pays ;

Ainsi donc, cet instrument juridique universel va donner naissance à un Nouvel Ordre Maritime Mondial ayant pour conséquence la création des premiers Conseils des Chargeurs dans les pays du tiers monde notamment en Inde, en Côte d’Ivoire (1969) et au Gabon (1971). En Afrique de l’Ouest et du Centre, a été créée en 1975 à Abidjan Côte d’Ivoire la Conférence Ministérielle des Etats de l’Afrique de l’Ouest et du Centre sur les Transports Maritimes (CMEAOC/TM), aux fins de bénéficier des dispositions favorables du code de conduite des conférences maritimes notamment la clé 40/40/20 découlant des droits de trafics générés par le commerce extérieur et de faire face au choc pétrolier de 1973/1974. La CMEAOC/TM compte vingt-cinq Etats côtiers et sans littoral compris entre l’Angola et la Mauritanie. Parmi ses premières résolutions, on note celle invitant les Etats membres à créer les conseils des chargeurs.

En dépit de la diversité de leurs régimes juridiques, l’étude des statuts des conseils des chargeurs dénote une certaine similitude sur les missions qui leur ont été dévolues par leurs pays respectifs, à savoir :

  • Négocier le taux de fret avec les conférences et autres transporteurs maritimes ;
  • Faciliter les formalités et procédures de transport de transit ;
  • Oeuvrer à la rationalisation du trafic maritime ;
  • Contribuer à la promotion et la consolidation du pavillon national.

Une évaluation rapide de l’action des conseils des chargeurs au lendemain de leur institutionnalisation démontre que l’effort de ceux-ci s’est concentré autour de trois missions :

  • La négociation des taux de fret ;
  • La gestion et la répartition du fret maritime ;
  • L’assistance aux chargeurs.

Concernant la négociation du taux de fret, il y a lieu de penser que les résultats ont été satisfaisants dans la mesure où l’action des conseils des chargeurs a permis de juguler la hausse de taux de fret en imposant une ligne de conduite aux conférences maritimes. Dans le cadre de la répartition du fret maritime, les conseils des chargeurs africains ont développé des systèmes d’organisation soumettant toute opération de transport maritime à une autorisation préalable.

S’agissant de l’assistance aux chargeurs, diverses actions ont été menées notamment :
  • La facilitation des procédures administratives ;
  • La négociation avec les prestataires de services de la chaîne des transports ;
  • L’information et formation des chargeurs par des publications, l’organisation des séminaires et ateliers…

L’élan pris par les conseils des chargeurs va marquer un coup d’arrêt au cours de la décennie 1980 à 1990 par l’accélération du phénomène de la mondialisation.

Les mutations des conseils des chargeurs africains suite à la mondialisation

Suite aux bouleversements intervenus dans tous les domaines (institutionnel, politique, économique, culturel, technique…), les conseils des chargeurs africains, à l’instar d’autres structures ou organismes, ont été appelés à se restructurer.

En effet, au cours de cette période, le libéralisme économique est devenu une idéologie dominante. La logique du marché s’est imposée au détriment de la régulation étatique.

Au cours de cette période, on observe une accélération de l’intégration de l’économie mondiale favorisée par une extrême mobilité des facteurs de production et un développement dans le secteur de transport particulièrement celui du transport maritime. L’évolution du transport maritime s’est dessinée sur trois axes :

Au niveau technique

  • Apparition des navires à forte capacité de transport (porte – conteneurs, pétroliers géants, …) ;
  • Introduction des nouvelles technologies de l’information permettant de saisir des marchandises et des navires par satellites.

Au niveau technique

  • La disparition des conférences maritimes ;
  • Le développement des transports multimodaux ;
  • L’apparition des compagnies maritimes géantes ;
  • Le développement des ports d’éclatement et des transports par transbordement.

Au niveau technique

  • La mondialisation ;
  • La régionalisation.

Eu égard à ces différentes évolutions, on va assister à la remise en cause du rôle des conseils des chargeurs.
En effet, avec la crise de la dette du Tiers – monde, le fond monétaire international a conditionné le rééchelonnement de la dette de certains pays en développement par l’application des programmes d’ajustement structurel (PAS).
Ces programmes ont été conçus pour pallier à l’inefficacité des procédures habituelles de crédit accompagnées de politiques conjoncturelles d’austérité.

Le programme d’ajustement structurel visait à rétablir l’équilibre financier extérieur :
  • au plan conjoncturel, on préconisait la baisse de la demande intérieure (baisse des salaires, des dépenses sociales, des subventions à l’alimentation, des dépenses publiques en général, politique monitoire restrictive, dévaluation, …) ;
  • au plan structurel, on visait le développement des mécanismes du marché (privatisation, libéralisation du commerce extérieur, …).

C’est dans cet environnement que les conseils des chargeurs africains ont été appelés à se conformer aux exigences des partenaires en développement et se virent imposés un agenda, résultat des concertations entre la Banque Mondiale et l’OMAOC tenues à Cotonou en 1992 et 1997.

Les deux rencontres de Cotonou se situent dans le cadre du programme des politiques des transports en Afrique Subsaharienne (SSATP) plus spécifiquement de la composante transport et commerce international.

A l’issue de ces concertations, les orientations suivantes ont été dégagées :

  • La redéfinition des missions ;
  • La révision du statut juridique ;
  • La recherche de nouveaux modes de financement.

Sur la base du canevas de Cotonou, les conseils des chargeurs africains entreprirent leur restructuration. Selon le schéma tracé à Cotonou, il a été convenu que les conseils des chargeurs devaient contribuer à la promotion de commerce extérieur en mettant l’accent sur :

  • La défense et la représentation des intérêts des chargeurs tout eu long de la chaîne de transport (armateur, autres transporteurs opérateurs et des instances administratives et juridiques) ;
  • L’assistance et la prestation de service d’appui aux chargeurs dans l’importation et l’exportation (formation et information, avis et recommandations en matière de politique maritime internationale et nationale auprès des instances étatiques nationales, régionales, internationales et autres organismes concernés ; mise en place et gestion de banque de données sur le trafic maritime international et les autres modes de transport ; vulgarisation des techniques du transport maritime et de transport multimodal auprès des usagers ; diffusion des informations de transfert pour prévenir les actions de dumping et les pratiques d’ententes et de concurrence déloyale ;
  • La réalisation d’investissement notamment en infrastructure et/ou en équipement d’appui aux opérations des chargeurs (réalisation d’entrepôts sous douane pour les stockages de longue durée, les autres de groupage et de dégroupage pour les petits chargeurs, les ports secs).

Au plan juridique, on entrevoyait au-delà de l’ordonnancement juridique de chaque pays membre, une certaine représentation des chargeurs dans les instances dirigeantes des conseils des chargeurs.

Concernant le financement, il a été recommandé de diversifier les sources de financement en se fondant sur les recettes générées par les infrastructures d’assistance aux chargeurs.

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